Josef cherche la liberté
EAN13
9782876234383
Éditeur
Michel de Maule
Date de publication
Langue
français
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Josef cherche la liberté

Michel de Maule

Livre numérique

  • Aide EAN13 : 9782876234383
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**Extrait**


Au fond, il etait digne de feu ses aieux. Il leur ressemblait d'une maniere
frappante, jusque dans les moindres details. Seulement, chez le pauvre oncle
Ross, ce caractere hereditaire avait ete modifie par des nuances ou autres
arabesques de vie tres peu sensibles, presque insaisissables, mais qui n'en
avaient pas moins exerce sur sa destinee bourgeoise une influence implacable
et terrible.
L'oncle Ross avait trente-six ans. Il avait l'air vieux. Ses cheveux etaient
tout gris. Il portait un habit d'un gris un peu trop clair, d'une coupe
impeccable, mais malheureusement un peu sale. Il avait une barbiche de bouc,
une moustache (on portait de ces choses-la avant la guerre) et, dans
l'ensemble, avait l'air neglige et peu appetissant. Pourtant, il ne manquait
pas de charme. Cela provenait sans doute de son sourire doux, emouvant, un peu
melancolique. C'etait un sourire doux et indulgent, pour ce monde qui tourne
comme une toupie et pour ces hommes qui s'agitent et qui triment. Un sourire
profond et infini. Mais la profondeur ne figurait pas au programme de la
famille Ross. Aussi ce sourire fut-il taxe d'originalite, ce qui faisait dire
a la famille :
- C'est tout Stefan ! Stefan est tout entier dans ce sourire.
L'oncle Stefan n'avait pas toujours eu trente-six ans ! Il n'avait pas
toujours ete oncle. Il n'avait pas toujours eu, non plus, ce sourire tendre,
distant, si calmement enigmatique de maintenant qu'il est « le parasite » de
la chambre familiale des Bar. Car c'est ainsi que l'appelait Maman, la
Constantine Bar, nee Ross, agee de trente-neuf ans, epouse de M. Eugene Bar,
celui-la meme qui refusait de dormir dans la chambre familiale, bien qu'il fut
le pere de Josef, non moins que de Thinka et de Louise. Mais cela lui
importait peu, car Pere aimait son « gars » Josef - il l'aimait d'un amour
presque timide.
L'oncle Ross, Stefan Ross, avait le malheur d'etre le fils de ses pere et
grand-pere. Cette circonstance l'obligea presque, moralement a dilapider et a
aneantir les biens de la famille, etablis par le grand-pere, augmentes et
consolides par le pere. Il assuma cette tache, avec la collaboration d'Eugene
Bar, le gendre incongru. Il l'assuma a fond. Il ne resta plus une seule
pierre, il ne resta plus un mark vaillant. Ce fut evidemment tres regrettable
pour cette belle fortune. Mais c'est la une loi d'economie familiale : le pere
gagne, le fils conserve, le petit-fils gaspille. Un principe sain qui conduit
au plaisir !
Quand l'oncle Ross, qui etait pourtant assez doue, echoua pour la deuxieme
fois, a seize ans, aux examens de la _Realschule_ , ce fut parce qu'il avait
deja la notion, comme tous ceux qui connaissent bien notre ordre social, que
culture sans argent ne compte guere aux yeux de nos chers contemporains, mais
que fortune, meme sans instruction, est tout.
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