-
Conseillé par o n l a l u25 juin 2015
"Ces gens-là sont de tristes salauds"
Il fut l’un de ces avocats qui sont plus que des avocats. Ténor du barreau parisien de 1912 à 1967, nourri d’humanités, évoluant aux confins de l’art, de la politique, du journalisme et des affaires, Maurice Garçon est aussi le chroniqueur de son temps.
Toute sa vie il tint avec constance un journal, écrit d’un seul jet, sans rature ni repentir. Un plume fluide, précise, parfois mordante, étrangère aux digressions. Il n’y parle ni de lui ni de sa famille –jamais rien de personnel- mais raconte l’état de la France, la guerre, la politique.
Le volume qui paraît aujourd’hui, fut écrit entre 1939 et 1945, à Paris ou à Ligugé, bourgade proche de Poitiers où il possède une propriété.Sa lecture est captivante. On parcourt toute la guerre aux côtés ou plus exactement à la place d’un homme intelligent et cultivé. Rédigé sans volonté d’être publié, ce journal est écrit avec franchise par un homme lucide qui ne fut ni un héros –il ne résista pas-, ni un salaud –il ne collabora jamais. Remarquablement édité par Pascale Froment (auteure notamment de la biographie de René Bousquet) et Pascal Fouché, historien de l’édition, ce texte fourmillent de notes qui précisent le contexte et en enrichissent encore la lecture.
On se désespère et on s’indigne de la débâcle française de mai-juin 40, mais l’on se dit que Pétain va sauver l’honneur. Très vite on déchante et le maréchal devient « le vieux » tandis que Laval apparaît, dès le premier jour, comme un salaud. Garçon décrit un pouvoir fantoche, où l’information n’est que propagande, la police collabore et la justice est aux ordres (les magistrats ne sortent vraiment pas grandis de ce journal).
Mais le plus frappant de ces pages,