L'Europe malade de la Turquie
EAN13
9782755400205
ISBN
978-2-7554-0020-5
Éditeur
"François-Xavier de Guibert"
Date de publication
Collection
Combats pour la liberté de l'esprit
Nombre de pages
174
Dimensions
21 x 14 x 1,5 cm
Poids
215 g
Langue
français
Code dewey
327.561
Fiches UNIMARC
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Avec L'Europe malade de la Turquie (1), Annie Laurent offre une remarquable synthèse sur le problème de l'adhésion de ce pays à l'Union européenne. Remarquable, car le livre est court, très accessible, mais ne glisse jamais vers le simplisme ou la polémique. C'est donc une lecture à conseiller pour comprendre les problèmes et prendre conscience des enjeux. Annie Laurent explicite d'abord le contexte de cette adhésion. En effet, l'accord de 1963 auquel on renvoie toujours pour montrer la patience de la Turquie et l'ingratitude européenne avait été conclu dans le cadre d'une simple union douanière. Or, depuis l'Acte unique et Maastricht, l'Europe s'est orientée vers une fédération politique qui a profondément changé la nature de l'Union. Un accord douanier avec un pays extra-européen n'a rien d'extraordinaire, alors que l'adhésion d'un pays non européen... à l'Europe est chose pour le moins curieuse. Au passage, Annie Laurent montre bien le décalage entre les peuples européens, majoritairement hostiles à cette adhésion, et leurs gouvernants qui subissent depuis des années une forte pression des États-Unis pour l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne. Mais le plus grave est que cette question révèle l'absence totale de conscience identitaire de nos bureaucrates. La seule frontière « que trace l'Union européenne est celle de la démocratie et les droits de l'homme » (cité p. 34), affirmait le conseil européen à Laeken (2001). Singulière conception qui permet à n'importe quel pays de la planète de frapper aux portes de l'Europe ! Annie Laurent n'a cependant pas de mal à montrer que la Turquie n'est européenne ni par la géographie, ni par l'histoire, critères logiques qui devraient prioritairement entrer en ligne de compte pour le choix de tout nouveau candidat à l'Union. Certes, la Turquie a été en Europe, « mais elle y fut en tant que puissance étrangère et coloniale » (p. 39), ne laissant pas aux populations occupées un souvenir particulièrement sympathique.

L'intérêt principal du livre d'Annie Laurent est d'aller au-delà de ces questions géographiques et historiques et d'avoir le courage et la lucidité d'examiner « le poids de la culture et de la religion » (chap. III), deux aspects fondamentaux que les évêques de la COMECE (Commission des épiscopats de la Communauté européenne) refusent de prendre en compte en limitant leurs analyses aux aspects politiques et économiques ! Le développement sur la laïcité turque mérite vraiment d'être lu, car il tord allégrement le coup aux idées reçues ici qui idéalisent substantiellement la réalité. « En Turquie, explique l'intellectuel français d'origine turque, Atlan Gökalp, il s'agit en fait d'un césaro-papisme plutôt, où l'État contrôle la religion » (cité p. 80) : on est donc loin d'une séparation ou d'une distinction des pouvoirs. « Finalement, écrit Annie Laurent, la libéralisation du régime turc a favorisé l'Islam politique. En instaurant le pluralisme, la démocratie permet donc à l'islamisme de prospérer et c'est au nom de la liberté qu'Erdogan oeuvre sans relâche en faveur d'une réislamisation croissante de la vie publique et des moeurs » (p. 90).

Enfin, dernier point important de ce livre, il montre combien il ne fait pas bon vivre d'être non musulman en Turquie. Alors qu'il y avait plus d'un million et demi de chrétiens en Turquie au XIXe siècle, ils ne sont plus que 70 000 aujourd'hui ! Le génocide arménien - que la Turquie refuse obstinément de reconnaître - est passé par là, mais la situation actuelle n'est pas brillante non plus : « En fait, tout est mis en oeuvre pour étouffer les communautés chrétiennes qui sont soumises à d'incessantes tracasseries, brimades, confiscations et interdictions » (p. 120). On est loin d'une véritable liberté religieuse qui n'existe dans aucun pays musulman. Tout cela devrait suffire à montrer l'absurdité de l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne. Annie Laurent conclut fort justement : « Au fond de tout cela, n'est-ce pas la nature de notre rapport à l'Islam qui est posée par la question de l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne ? En exaltant d'autres modèles et d'autres cultures, voire en acceptant de se laisser amoindrir, asservir, dénaturer ou détruire par elles, au détriment des siennes propres, l'Europe semble ne plus s'aimer elle-même » (p. 152).

Par Christophe Geffroy dans la Revue La Nef n°165
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