Yv

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Je lis, je lis, je lis, depuis longtemps. De tout, mais essentiellement des romans. Pas très original, mais peu de lectures "médiatiques". Mon vrai plaisir est de découvrir des auteurs et/ou des éditeurs peu connus et qui valent le coup.

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16 mars 2017

Dans ce recueil de nouvelles, Wu Ming-yi convoque les amis d'un narrateur, qui lorsqu'il était petit garçon, fréquentait le marché de Chunghua : il y vendait des lacets sur la passerelle, à côté d'un magicien. C'est ce magicien qui a marqué tous les enfants du quartier que tous les enfants de l'époque, devenus adultes sont censés évoquer. Le marché renaît alors dans les esprits de tous, comme cet espace dans lequel ils ont grandi, aimé, se sont bagarré, ont rigolé, chapardé, ont appris la vie.

Première remarque, le livre est beau, couverture étonnante et originale, celle qui est sous vos yeux (un zèbre dans un escalier), mais aussi les deuxième et troisième de couverture qui sont un dessin du marché, effectué par l'auteur. Ensuite, eh bien, on retrouve dans ce livre tout le charme de la littérature chinoise : la nourriture, les us différents des nôtres, les nombreuses images provoquées par l'écriture, les paraboles, ... Tout cela pourrait être un récit d'enfance occidental, mais il y a ici une touche asiatique très présente. Elle se trouve sans doute dans la manière de décrire les personnages, moins physique que liée à leurs habitudes de vie, dans celle de décrire leurs faits et gestes toujours symboliques et dans les rapports des gens entre eux. Je manque de précision dans mon analyse, car c'est affaire de sensations, difficilement explicables.

J'aime bien l'idée de nous présenter d'abord le magicien au travers des yeux d'un garçon, puis de convoquer son souvenir par les enfants qui l'ont admiré, mais vingt ans plus tard lorsqu'ils sont adultes. Le récit devient nostalgique, parfois drôle, poignant, triste, mélancolique, fantastique. Tous les personnages ne parlent pas du magicien, mais tous parlent du marché, détruit entre temps. C'est dans ce lieu qu'ils ont grandi en petits citadins. C'est très bien fait. Les neuf nouvelles plus la dernière dans laquelle l'auteur explique comment il est parvenu à cette idée et à cette construction, se suivent, se mêlent... Certains personnages importants dans l'une deviennent une simple silhouette dans une autre, ils peuvent n'être qu'évoqués. C'est beau, c'est simple, fluide, et l'on a presque la sensation d'être dans un roman à diverses entrées. C'est un livre à l'écriture moderne, très fluide et agréable qui bénéficie d'une très belle traduction -autant que je puisse en juger, j'ai fait allemand seconde langue et pas chinois- qui rend cette lecture particulièrement plaisante.

Très beau travail de la maison d'édition L'asiathèque que j'ai découverte l'an dernier à l'occasion de l'année de la Corée. Wu Ming-yi est né à Taiwan. Il est professeur de lettres et auteur de plusieurs livres dont deux romans traduits en français (Les lignes de navigation du sommeil, You Feng, 2013, et L'Homme aux yeux à facettes, Stock, 2014). Un auteur à découvrir qui a des choses à dire et qui les écrit joliment. Commencez par ce recueil de nouvelles, pour vous faire une idée.

9,40
Conseillé par
16 mars 2017

Voilà un roman assez étonnant qui alterne le bon voire le très bon et du plus moyen. Ça part assez fort et je suis entré très vite dans le vif du sujet. Léo Henry distille des informations au compte-gouttes qui posent question et incitent à continuer son histoire. Très vite je me rends compte que je ne peux pas lâcher le bouquin et que la quête de Bastien est diablement intéressante. Le thème de la société secrète qui vit dans les entrailles de la défense est porteur de suspense et j'aimerais en savoir plus mais l'auteur est malin et ne dévoile rien trop vite, m'obligeant à un rythme de lecture rapide pour savoir jusqu'où il m'emmène.

Très bien fait, j'apprends même des choses sur le passé du quartier, ancien bidonville. Et puis, aux trois quarts du roman, la tension est retombée et je n'avais plus qu'une envie : que ça se finisse et que je sache ce qu'il en est de Diane, de la Panse et de tous ses trafics. En fait, le livre de presque 290 pages souffre de longueurs et certains passages mystico-onirico-scientifiques sont superflus, passables très rapidement par un lecteur un peu fatigué et je suis un lecteur qui fatigue vite. D'autres paragraphes, plus descriptifs les rejoignent, ils allongent la sauce sans la rendre plus savoureuse, au contraire. La fin est un peu longuette à survenir, et je dois avouer que j'ai passé les 50 dernières pages rapidement, les survolant pour connaître le dénouement. Ce n'est pas bien, mais faute avouée...

Néanmoins, que cela ne décourage pas les amateurs de polars un rien fantastiques ou branchés sur ce genre de thèmes de sociétés secrètes un peu mystiques, un peu scientifiques. L'écriture de Léo Henry est plaisante, elle tient la route jusqu'au bout. Ce n'est pas le roman du siècle, mais j'ai passé un très agréable moment que je ne regrette absolument pas et c'est la règle numéro une pour un livre. Je ne dirai pas que ce livre n'a que l'ambition de distraire -comment ça ? si je l'ai dit ? Ah zut !- parce que je trouve cette expression méprisante, une telle ambition, c'est très bien lorsque le but est atteint et ce n'est pas si facile. Si vous trouvez La Panse, n'hésitez pas, il peut vous faire le même effet voire encore mieux.

Corse, été 42

Glénat BD

18,50
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16 mars 2017

Très bel album qui en plus de mettre en images les paysages corses raconte une histoire terrible évidemment, celle des juifs qui ont tout quitté pour tenter de garder la vie sauve. Les Corses ont été parmi les plus solidaires des Français, il faut dire qu'ils ont une longue histoire commune avec les juifs puisqu'iceux ont débarqué sur l'île dès l'an 800 puis ensuite en plusieurs fois, d'Italie notamment.
La bande dessinée est un bel hommage qui résume assez bien les différentes opinions de l'époque, entre les collaborateurs zélés, les réfractaires aux lois anti-juives et à Vichy tout court, les gaullistes, les maquisards. C'est un peu tout blanc ou tout noir, mais sans doute l'époque se prêtait à des attitudes franches et opposées, surtout chez les Corses dont on connaît le caractère bien trempé -amis Corses, c'est plutôt un compliment sous mes doigts, je suis Breton, d'ailleurs, je brûle d'envie depuis plusieurs années de venir vous voir, visiter votre île. S'il y a parmi vous des hôtes intéressés à l'idée d'accueillir des Bretons bien sous tous rapports. Eh, on ne sait jamais, sur un malentendu, ça peut marcher, des vacances pas chères, je prends...

Bon, revenons à notre BD scénarisée par Stéphane Piatzszek et sans aucun doute piochée dans son histoire familiale puisqu'il dédicace cet album à Henri et Suzanne Cohen, ses grands-parents et dessinée par Espé. L'ensemble est très bon, très agréable à lire, le dessin est clair, propre, les couleurs ocre et bleu pour la majorité, la terre et la mer rendent bien l'ambiance estivale. Une BD à mettre en toutes les mains quitte à en parler ensuite avec les plus jeunes, c'est même un bon support pour parler de la guerre et des l'extermination des juifs, car plus on avance et moins il y a de survivants. Les témoignages sont là pour ne pas oublier, pour ne pas minimiser, pour comprendre toute l'horreur de cette période et ne pas laisser dire que cela n'a pas existé ou de manière nettement moindre.

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16 mars 2017

Il y a plein de choses dans ce livre. D'abord le Paris mondain du début et du milieu du XIX° siècle, loin, très loin des préoccupations des ouvriers. Tellement loin que certains n'en connaissent même pas l'existence. Puis, la découverte par l'un des plus éloignés de ce monde du Paris des bas-fonds. Il y a aussi l'amour, parce que pas de roman populaire sans histoire d'amour. Il y a surtout la littérature ; comment naît l'envie d'écrire ; comment la littérature peut plaire aux plus snobs et chics comme aux plus pauvres et même aux illettrés qui se la font lire : elle peut donc momentanément relier les peuples ; comment elle peut également changer les vies, offrir de nouvelles perspectives, bien sûr lorsqu'on en est l'auteur, mais aussi lorsqu'on en est lecteur ; elle ouvre les esprits, oblige à se poser des questions, fait naître des vocations, des rébellions. Ne l'enterrons pas trop vite au profit des séries télévisées, des jeux débiles et des grandes messes sportives, qui, elles aussi peuvent relier momentanément les peuples (cf. les victoires des équipes nationales). Il y a aussi et surtout la belle aventure des feuilletons publiés dans les journaux d'alors. Les feuilletonistes étaient à part la littérature, mal considérés par les puristes qui les jugeaient populaires voire populistes, et pourtant encensés par les lecteurs qui attendaient la suite avec impatience.


Amateurs de romans populaires, d'aventures, de culture, ce livre est fait pour vous. Si en plus vous aimez baguenauder dans les rues parisiennes qui ont bien changé depuis, c'est encore mieux. Lorsque je "monte" à Paris, j'adore y marcher, lentement, en levant les yeux pour ne rien rater des façades, des lieux, je suis un touriste agoraphobe qui ne recherche pas les endroits de rassemblement mais les lieux insolites, les petites rues typiques... On retrouve aussi ce genre d'endroits dans ce Paris du XIX° siècle, mais les rues sont des coupe-gorges, les tripots des endroits sales et pas vraiment aux normes d'hygiène actuelles. C'est pourtant là que vit la majorité des Parisiens, dans des logis miteux, petits et branlants -cette histoire se passe avant les grandes rénovations haussmanniennes.. C'est là que se déroule l'aventure de Rodolphe et Fleur-de-Marie, les héros des Mystères de Paris.

Paul Vacca écrit et décrit tout cela, et comme il le fait avec son humour, sa finesse et toute la tendresse qu'il peut avoir pour ses personnages, toutes ces qualités désormais célèbres depuis La petite cloche au son grêle et Nueva Königsberg -j'avoue une petite préférence pour ce titre-, eh bien, le plaisir du lecteur, le mien au moins -mais je ne doute pas que nous serons très nombreux- est au rendez-vous. L'humour se sent surtout dans les interventions du romancier, lorsqu'il joue l'anachronisme ou la référence : "Bien sûr, Eugène savait qu'il allait subir quelques désagréments, la perte des subventions familiales n'étant pas le moindre. Mais n'était-ce pas le prix à payer pour une liberté enfin acquise ? Il écrirait davantage. Écrire plus pour gagner plus." (p.148). Il lui fait également inventer un air célèbre de nos jours mais encore loin d'être écrit, rendu populaire par une comédie musicale des années 50. 1950, bien sûr ! Il y a tout dans ce livre : de la légèreté, de la profondeur, de l'histoire -romancée, certes, mais qui incite à aller chercher plus loin sur la personnalité d'Eugène Sue et sur son œuvre majeure, il provoque donc la curiosité. Belle qualité. Un vrai roman populaire, l'un de ceux que l'on a plaisir à lire et à partager.

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16 mars 2017

Après une première rencontre ratée, il faut bien le dire avec cette auteure (Buvard est classé dans un de mes articles désormais célèbres : Ça coince !), je n'ai pas hésité à la relire et bien m'en a pris. Ce petit livre autobiographique est très réussi. Parfois un peu agaçant pour l'homme mûr que je suis, tous les jours confrontés aux changements d'humeur d'adolescents, lorsqu'elle raconte ses débordements et ses excès d'adolescente, souvent touchante et émouvante lorsqu'elle évoque les relations familiales. On peut se demander pourquoi cette jeune femme commence maintenant le récit de sa vie, et puis on ne se pose plus la question très vite, puisque Julia Kerninon a des choses à dire, à écrire. Sur elle, sur ses parents, sur la littérature, sur la vie tout simplement. Et c'est surtout joliment raconté. Un style affirmé souvent fait de longues phrases, lentes, parce qu'elles décrivent la contemplation de la nature, le plaisir de se retrouver seule avec un livre, de partager des moments forts avec sa mère comme lorsqu'elles visitent toutes les deux Paris et la librairie Shakespeare and Company, habillées de manteaux léopard.

Julia Kerninon aborde aussi la question de la création, de l'écriture et de son besoin de se retrouver seule, loin des siens pour écrire. Seule à Budapest, sans beaucoup sortir et se mêler à la vie locale.

Je ne suis amateur de l'autofiction que lorsqu'il y a un plus littéraire, c'est le cas avec Annie Ernaux, Charles Juliet ou Edouard Levé découvert récemment et d'autres bien sûr que j'oublie. Très franchement, Julia Kerninon apporte quelque chose, malgré sa jeunesse, elle fait preuve d'une maturité certaine et d'un recul évident sur son travail mais garde la vivacité, la fraîcheur, la vitalité et une voix personnelle très intéressante. Ce court récit de 60 pages débute ainsi :

"A cinq ans et demi, j'ai passé un contrat avec mon père. Premier compromis d'une longue et fructueuse série, j'ai accepté de ne plus sucer mon pouce en échange d'un aller-retour à la capitale. Pourtant, c'est ma mère qui m'a emmenée -dans mon souvenir en tout cas il n' a qu'elle et moi au moment où elle s'est arrêtée net devant une façade, dans le quartier de Notre-Dame, et m'a fait déchiffrer l'enseigne de Shakespeare and Company."(p.9)