Manuel H.

Conseillé par (Libraire)
29 août 2018

Un pari romanesque osé et réussi

En s'emparant des attentats du 11-septembre 2001, Fanny Taillandier, jeune auteure française prenait le risque de se heurter à de nombreux écueils de toutes sortes. Elle les évite non seulement intelligemment mais les surpasse en ouvrant au lecteur de nouvelles perspectives de lecture romanesque de l'événement. "Par les écrans du monde" se révèle ainsi être une belle et inattendue surprise.
C'est à travers les portraits d'un frère et d'une sœur dont les caractères et les parcours de vie s'opposent que le roman donne corps à cette histoire. Après avoir travaillé pour l'armée américaine où il expertisait des images de bombardement, William est devenu responsable de la sécurité des aéroports de Boston d'où sont partis les avions percutant le World Trade Center, tours dans lesquelles travaille Lucy, sa brillante sœur, pour une société mondiale d'assurance spécialisée dans le calcul des risques. Le roman articule ainsi l'histoire individuelle et familiale de ces personnages tout en orchestrant une réflexion habile et pertinente sur le rôle des images dans la société contemporaine.

19,90
Conseillé par (Libraire)
29 août 2018

Un émouvant portrait de femme

Dans un roman enquête passionnant, Nathalie Piegay offre l'émouvant et sensible portrait d'une femme rendue invisible par tous en projetant la lumière sur Marguerite Toucas-Massillon mère de Louis Aragon.

Une femme invisible est un roman enquête très bien documenté, au sujet maîtrisé par son auteure qui nous fait découvrir la stupéfiante histoire de Marguerite Toucas-Massillon qui à la fin du XIXe siècle, alors qu'elle est encore mineure, va donner naissance à un petit garçon, Louis, fruit d'une relation adultère avec un homme beaucoup plus âgé qu'elle, déjà marié, père et par ailleurs député. Subissant une forte pression familiale et sociale, la jeune Marguerite est conduite à s'effacer, obligée de ne pas reconnaître son enfant, niée dans son rôle de mère : on la fera passer pour la sœur du petit Louis à qui l'on attribuera le nom fictif d'Aragon et qui deviendra l'auteur majeur du XXe siècle français que l'on sait.
C'est donc l'histoire de cette femme que tout son entourage a souhaité rendre invisible et le récit de la relation avec son fils que Nathalie Piegay raconte dans un texte au sujet passionnant, dont l'écriture fluide rend la narration agréable et plaisante à lire. Le lecteur est touché par cette histoire stupéfiante comme par ce portrait sensible de femme, d'amante et de mère singulière qu'aucune fiction n'aurait pu imaginer. Nathalie Piegay dresse avec empathie cette étonnante relation qui se noue entre cette mère et son fils, à toutes les étapes de sa vie, depuis son enfance et son adolescence jusqu'à sa vie d'adulte marquée par sa notoriété littéraire. Nathalie Piegay restitue avec justesse l'histoire touchante et émouvante de cette femme qui a enduré en faisant preuve d'une grande force de caractère, niée par tous mais donnant à chacun une incroyable leçon de vie. Ce faisant, elle projette une belle lumière sur cette femme que tout le monde, y compris bon nombre de biographes de Louis Aragon, a voulu rendre invisible et offre ainsi de nouvelles perspectives de lecture des œuvres de l'écrivain.

Christian Bourgois

20,00
Conseillé par (Libraire)
29 août 2018

Un paysan en colère

Dans la lignée de "Une saison de coton : trois familles de métayers" de James Agee, déjà publié par les éditions Christian Bourgois, texte qui préfigura "Louons maintenant les grands hommes", Chris de Stoop livre le récit viscéral et mélancolique de la paysannerie néerlandaise.

Journaliste néerlandais reconnu pour ses enquêtes de fond et ses reportages au long cours, Chris de Stoop est issu d'une famille d'agriculteurs installés dans la région des polders du sud des Pays-Bas qui cultive des terres situées entre mer et Escaut. Alors qu'il pensait ne jamais devoir s'occuper de la ferme familiale, les circonstances et le grand vieillissement de sa mère l'obligent à y revenir pour, au-delà de l'exploiter, la défendre coûte que coûte devant la perte qui s'annonce, l'abandon auquel il résiste, viscéralement, découvrant à quel point cette ferme lui est chevillée au corps.
Dans ce très beau récit de non fiction, à l'indéniable qualité stylistique et littéraire, Chris de Stoop dévoile l'intime familial et révèle en les dénonçant les conditions que subissent la plupart des paysans de cette région, acculés à abandonner leur activité quand ils ne sont pas tout simplement expropriés pour des raisons peu avouables, victimes des contreparties écologiques au développement du port d'Anvers. L'auteur dénonce les décisions absurdes, le comportement impitoyable et manipulateur de l'administration, la bonne entente de l'agro-industrie avec les industries portuaires qui mettent l'écologie à leur botte pour servir leurs intérêts au détriment des producteurs locaux et autres petits agriculteurs traditionnels.
De ce cri d'alarme ressort un texte magnifique sur la ruralité, le monde agricole et les rudes solitudes des agriculteurs qui n'interdisent pas les solidarités encourageantes. Ce récit est aussi celui du beau et touchant regard que porte Chris de Stoop sur ce qui l'entoure encore comme celui, plus lointain, de ses souvenirs d'enfance, un regard empli de pudeur et de mélancolie sur les animaux, les paysages et la vieillesse en souffrance.

19,00
Conseillé par (Libraire)
29 août 2018

Une narration puissante et envoûtante

Prix Goncourt 2012 pour "Le sermon sur la chute de Rome", Jérôme Ferrari poursuit son œuvre avec un roman dense, intense et stimulant dont la haute volée stylistique et la haute tenue romanesque font forte impression.

À travers la figure, la vie et la mort d'Antonia, personnage central de son roman, photographe née en 1965, Jérôme Ferrari déploie les motifs qui lui sont chers de la Corse, de la violence et comme le titre le laisse entrevoir de l'image, en particulier du lien qu'entretient la photographie avec le réel et la mort. À cette violence contemporaine prégnante en Corse à laquelle vont être confrontés Antonia et les différents protagonistes du roman tout au long de leur vie, Jérôme Ferrari va faire refléter d'autres violences venant d'autres moments mortifères, celles de violences politiques exercées dans l'espace méditerranéen, fixés par des photographes à la fin du XIXe siècle et au début du siècle suivant à travers des images intensément crues et puissamment troublantes, reflets d'une époque autant que miroirs intemporels de la cruauté des hommes. Une cruauté et une violence continuelles auxquelles Antonia, appareil photographique à la main, ira encore se confronter dans les années quatre-vingt-dix lors du conflit en ex-Yougoslavie.
Par la solidité et la force envoûtante de son style, Jérôme Ferrai articule de façon admirable son dispositif narratif, menant de front, de pair et en résonance cette intense réflexion sur l'image avec la progression romanesque du destin incarné et sensible d'Antonia, beau et tragique à la fois, écartelé entre l'amour et la liberté, entre l'irrésistible attachement à la terre natale et la volonté d'échapper aux contraintes que cette société corse impose, notamment aux femmes dès leur adolescence.
Construit au rythme d'un fascinant requiem en douze mouvements qui n'est pas sans explicitement rappeler dès son ouverture Kaddish pour l'enfant qui ne naîtra pas d'Imre Kertész, "À son image" en est paradoxalement l'une de ses brillantes filiations.

Conseillé par (Libraire)
10 mars 2018

Passionnément, à la folie !

Pour saisir la folie créatrice qui s'empara des peintres impressionnistes à la charnière des XIXe et XXe siècles, il fallait une folie littéraire, une ambition romanesque sans limite, il fallait une falaise et un romancier agile pour la gravir, un homme sachant aussi bien contempler la puissance minérale de la côte d'albâtre normande que les sensuelles variations picturales des maîtres impressionnistes. Avec "Falaise des fous", Patrick Grainville nous engage dans cette fabuleuse et vertigineuse aventure artistique et historique !
Cette aventure humaine et artistique, Patrick Grainville nous la fait ressentir au plus près en nous conduisant au cœur du processus de création comme dans cet intense moment de bravoure et d'immense créativité picturale de Monet pour la fameuse série de la cathédrale de Rouen. Foisonnant, "Falaise de fous" est aussi le tableau passionné, érudit et panoramique d'une époque qui fait basculer le monde dans une modernité source du meilleur comme du pire. Avec son entraînante inventivité narrative et stylistique, Patrick Grainville surprend, régale et réjouit le lecteur par ce roman follement exaltant !