Chorégraphie à trois temps élégamment orchestrée, sombre et vertigineuse. La salle de bal est le centre de l'attente, de la fébrilité, où les corps se réchauffent et les esprits s'apaisent dans ce lieu de la réclusion et de la folie encadrée. Magnifique cadre champêtre et autonome pour apprivoiser la sauvagerie humaine selon le corps médical quelque peu féru d'eugénisme et d'expérimentations diverses sur les patients internés. Une valse à trois personnages où la folie perçue n'est peut-être pas là où on l'attendait. La musique est censée adoucir les âmes et les mœurs, attendrir les plus révoltés. Sont-ce les patients les plus fous ?

Roman ample composé des auditions et des aveux d'un embaumeur notoire de la fin du XVIIIe siècle. Historiquement étayées ces confessions romanesques subjuguent le lecteur à l'instar de "Le parfum" de Patrick Süskind, emporté par le souffle narratif et les odeurs ici nettement plus nauséabondes et parfois délétères qui président au métier d'embaumeur. Victor Renard est un personnage attachant et intriguant aux talents déroutants, pourvoyeur de « mumies », ces célèbres et magnifiques pigments bruns très recherchés des peintres. L'art, la beauté et la mort se déploient avec grâce sans morbidité aucune sous l'œil néanmoins avide du lecteur en quête de suspens et de culpabilité.

Probablement le roman le plus désopilant de cette rentrée littéraire ! Qui pourrait croire que l'achat inopiné d'un manchot empereur empaillé bouleverserait le rythme de vie d'un retraité esseulé toulonnais ? Aviez-vous déjà imaginé la restauration d'un grenier en chambre antarctique d'une blancheur impeccable et glaciale? Fable tragi-comique hilarante provoquée par simple lecture et sans substance ajoutée autre qu'une narration inventive et drôlatique, un sujet dévoilé aussi loufoque que désespéré. Derrière l'humour irrésistible, s'opèrent les vicissitudes humaines, l'instrumentalisation d'une passion singulière et secrète, le désarroi soudain dans la gloire et la grandeur, nos solitudes humaines et... la fonte des glaces.

Roman teinté de douceur, de lenteur et de mélancolie où deux personnages très solitaires éprouvés, délaissés, blessés vont progressivement détacher leur armure invisible et reprendre pied dans une existence qu'ils avaient abandonnée, oubliée. La leçon de grec du jeudi forge le socle de leur rencontre, de leur approche, longue et silencieuse. Entre mutisme et observation déclinante ils se frôlent et s'apprivoisent dans leurs fragilités et leur handicap. "Leçons de grec" est un délice de lenteur et de poésie, un texte rare, presque silencieux et contemplatif.

Exploration de l'intériorité, de l'intimité du corps lorsque la révolte gronde et le désir grandit. Le désir d'être soi-même, de fuir les mensonges et les faux-semblants, d'affronter ses propres peurs, sa propre intériorité, de se confronter aux regards des autres, aimants ou fuyants. Avec douceur et finesse, Léonor de Récondo révèle le cheminement radical, complexe et bouleversant d'un homme, Laurent, transformé progressivement en femme, Lauren. Magnifique prose littéraire pour aborder un sujet difficile car tabou et abandonné plus souvent aux silences. L'identité de Laurent est désormais dans les actes et la parole libérée. Il faut du courage pour s'accepter et vivre sa pleine détermination.