Le testament d'Olympe

Chantal Thomas

Seuil

  • Conseillé par
    6 février 2011

    L’écriture est simple et délicate, ce qui adoucit le sujet du roman : le traitement réservé aux femmes sous Louis XV.

    Le roman est divisé en deux parties. C’est d’abord Apolline qui prend la parole, puis Ursule par le biais de son testament.

    Nous découvrons alors les errements d’une pauvre fille dans les rues, sa volonté de devenir quelqu’un, d’approcher « les grands » de ce monde, son moyen d’y parvenir et quel a été son traitement par la suite.

    C’est assez effrayant de voir avec quelle prétention les hommes de la cour se comportaient à cette époque et le peu d’intérêt et de respect qu’ils accordaient aux femmes.

    Louis XV notamment avait une vie débauchée et multipliait les maîtresses d’une façon surprenante!

    C’est avec tristesse que nous suivons Ursule, alias Olympe, jusqu’à ses derniers jours, qui arriveront bien rapidement…

    J’ai été très touchée par ce livre vraiment très bien écrit. C’est un doux mélange entre roman et érudition qui me plaît. Tout en me liant d’affection avec ces deux sœurs j’ai pu découvrir ce qu’était la condition de la femme sous Louis XV, et la vie de certains de la cour, entre péché, luxure et mensonge.

    Je recommande vraiment ce roman !!


  • Conseillé par
    21 septembre 2010

    Chantal Thomas : Le testament d'Olympe Le Seuil

    Dans "Le testament d'Olympe", Chantal Thomas a choisi de nous faire évoluer dans un XVIIIème siècle situé hors des Lumières, dans un univers obscurantiste et rigide où la foi mène à la mortification du corps comme dans la famille d'Apolline où le père et la mère sont capables de se priver de manger pour être plus près de la Divinité.

    Dans la Sphère des Grands, on ne doit pas prononcer le nom de Voltaire, "ce fléau de la France". Et lorsque, enfin, il est question de Rousseau chez Madame de V. où Apolline est préceptrice des enfants, ce n'est pas du "Contrat Social" dont il est question mais de la lecture de "La Nouvelle Héloïse", dont le moins que l'on puisse dire, c'est que Chantal Thomas-Appoline ne l'aime pas!

    "J'entendais déjà la musique funèbre des phrases qu'il allait falloir lui administrer"

    Rousseau donc comme un médicament, un poison ! "Si l'amour ne se fait sentir que par la souffrance, pourquoi est-ce un état si convoité?" s'insurge Apolline.

    C'est ainsi que Chantal Thomas, spécialiste du XVIIIème siècle, auteur de "Adieux à la Reine", prix Fémina 2002, réinvestit l'époque de Louis XV pour raconter l'histoire de deux soeurs, Apolline et Ursule, qui vivent à Bordeaux.
    La première partie à la première personne laisse la parole à Apolline qui raconte sa vie d'enfant pauvre, entourée de ses soeurs, dans une famille dévote, ruinée par un père qui considère le travail comme une "malédiction originelle " :

    "Il fallait être bien prétentieux par rapport au pouvoir de la Nature pour oser se targuer d'en obtenir davantage que ce qu'elle nous offrait, et bien méfiant par rapport à Dieu pour ne pas s'en remettre dans l'insouciance, à son Parfait Amour "

    Au nom de cette dévotion poussée à l'extrême, les enfants ont toujours faim et si Apolline qui aime son père se résigne, la fille aînée, Ursule, à l'esprit rebelle, s'insurge et s'enfuit de chez elle. Apolline apprendra que le nom de sa soeur préférée ne doit plus être prononcé devant ses parents. Elle-même est envoyée au couvent de Notre-Dame- de-Miséricorde pour y être éduquée. L'amitié de Mathilde Terville lui permet de survivre malgré les rigueurs de la vie monastique à laquelle elle s'habitue. Pourtant, au moment du choix elle refuse de prendre le voile.. Commence le début d'une aventure qui va l'amener à Paris où elle retrouve sa soeur Ursule rebaptisée Olympe; celle-ci avant de mourir lui livre ses carnets où elle a écrit son histoire. C'est le testament d'Olympe, qui formera la seconde partie.

    Ursule-Olympe, après avoir fui la maison paternelle, par horreur de la pauvreté et de la piété paternelle a décidé monnayer sa beauté et sa virginité chèrement! Ceci l'amène dans la sphère du Maréchal-Duc, Richelieu, le petit-neveu du célèbre cardinal; celui-ci, un noble débauché, grand seigneur cruel et imprévisible, joue de lettres de cachet pour envoyer ceux qui lui déplaisent à la Bastille et se fait le rabatteur de jeunes Vierges pour le Roi. Dans cette société libertine et sans scrupules, la jeune fille va atteindre le sommet et se croire puissante. Sentiment illusoire dans un monde où tout peut être défait par un simple caprice des Grands. La chute n'en sera que plus grande!

    Le changement de style et de ton entre le récit d'Apolline qui nous emprisonne au fond d'un couvent et celui d'Olympe qui nous fait visiter les alcôves du roi est très réussi. Et si l'histoire d'Apolline finit trop comme un conte de fées, ce qui me paraît être une faiblesse du récit, ne chipotons pas sur notre plaisir car le roman présente une époque haute en couleurs, mouvementée, pleine de contrastes et de contradictions!
    Belle description, par exemple, de l'éducation des filles dans le couvent de Notre-Dame de la Miséricorde, des conditions de vie des pensionnaires qui meurent en grand nombre, de l'inégalité de traitement entre les filles riches et les autres reléguées au grenier, vie conventuelle dominée par le portrait de la terrible et hystérique "Mère Lamproie", la supérieure. Tout est contraire aux principes chrétiens dans ce couvent et d'une manière générale, il ne fait pas bon être être enfant à l'époque d' "Emile". Les fillettes sont mises au couvent dès l'âge de cinq ans et ne revoient plus jamais leurs parents, d'autres encore dans l'enfance sont "épousées" par des vieillards, Mathilde et son frère sont battus par leur père. Quant à la condition de la femme, elle est tout aussi noire : Une maîtresse peut être jetée une fois consommée, une femme mariée est sous le joug de son mari dont elle subit humiliations ou violences comme madame de V.

    Le thème de la mort est aussi omniprésent dans le roman à une période "où la frontière entre la mort et la vie était mince, sans doute illusoire". Apolline apprend à lire en épelant les noms sur les tombeaux de ses frères et soeurs morts en bas âge. A la cour le roi se vautre dans la luxure pendant que sa fille se mortifie pour le pardon des péchés de son père ! Chantal Thomas peint "un roi taraudé par l'idée du péché et la menace de l'Enfer" rêvant "de s'amender, d'obtenir l'absolution". L'Eglise règne par la peur et la menace de la Damnation.

    C'est ainsi qu'à travers le portrait de ces deux soeurs, Chantal Thomas brosse un tableau de la France déchirée par les injustices et la misère, en proie aux superstitions et à la peur, une France qui ne cesse de s'enfoncer de plus en plus dans la tourmente, malmenée comme un navire sans pilote.