Gina - Récit lesbien

**Extrait**


Le jour où je me fis draguer par un sémillant quasiquinquagénaire encore
ardent dont le pantalon une fois baissé, me révéla la bedaine replète, la peau
blafarde, le poil poivre et sel, la hanche grasse et l'épaule mouchetée, j'en
fus si horrifiée, que prétextant n’importe quoi je m'enfuis pour me retrouver
face à mon grand miroir, effarée, le coeur battant, comme si j' avais vu dans
le crooner blanchi sous le harnois ma propre vieillerie.

Depuis ce jour et depuis que Laure me redonna goût à l'amour et aux femmes, je
n'eus plus que des aventures féminines. Celles que je connaissais, que
j'aimais et dont j'avais eu le tort de me séparer durant quelques trop longues
années.

Notre mère était morte en me mettant au monde ; notre père, négociant en
huile, dont le commerce prenait au fil des ans de plus en plus d’importance
nous abandonna, ma soeur aînée et moi, à une myriade de servantes qui
s’occupaient et de l’entreprise et de la maison, mêlées si étroitement qu’on
ne savait jamais dans ce labyrinthe de caves, de pièces et de cours pavées où
piaffaient chevaux, ânes et mulets ce qui était de l’une ou de l’autre. Ma
soeur et moi trouvâmes rapidement notre bonheur dans cette liberté rare aux
pays andalous. Nous avions fait de la fabrique où s’écrasaient les olives et
des caves où l’on gardait fûts et boîtes de fer, notre royaume. Mais notre
véritable royaume était la grande chambre commune où la nuit nous nous
retrouvions le plus souvent dans le même lit pour nous conter nos histoires et
dormir rassurées. Les ans passèrent, nous grandissions. Maud, de deux ans mon
aînée, devint pubère ; je la suivis de peu et lentement aux rêves de
princesse, d’aventures, de fées et de sorcières se substituèrent des rêves
plus prosaïques. Maud tomba follement amoureuse d’un Gino. Elle avait quinze
ans, j’en avais treize et lui dix-huit peut-être, je ne sais plus. Tous les
soirs nous prîmes avant de dormir l’habitude de parler de lui, des mots qu’ils
avaient éventuellement échangés, rares, des regards surtout au travers
desquels ils s'étaient dit tout leur amour.