Malencontre
EAN13
9782889279715
Éditeur
Zoé
Date de publication
Collection
DOMAINE FRANCAIS
Langue
français
Langue d'origine
français
Fiches UNIMARC
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Malencontre

Zoé

Domaine Francais

Livre numérique

  • Aide EAN13 : 9782889279715
    • Fichier EPUB, avec Marquage en filigrane
    9.99

  • Aide EAN13 : 9782889279722
    • Fichier PDF, avec Marquage en filigrane
    9.99

Autre version disponible

Comment raconter un amour jamais vécu ? Le narrateur s’est épris de Rosalba
l’année de ses quinze ans. Pas elle. Très jeune, elle a épousé l’héritier de
la prospère, de la mafieuse Casse automobile. Un monde viril, pollueur, avide,
où argent, benzine, sang, sperme sont rois. Ils ne se sont jamais revus. Lui
s’est installé à Paris pour de longues études en langues orientales et
continue à l’aimer. Bien plus tard, l’exilé parisien revient au village. C’est
un double exil : tout le monde le surnomme « Le Chinois » et se moque
doucement de lui, de ses poèmes foutraques et de ses « théories à la con ». Au
fil du temps, cet amour non partagé s’est librement déployé dans son
imagination. Le jour où Rosalba disparaît, Le Chinois cherche à comprendre et
se met à poser des questions autour de lui. Chacun y va de son interprétation
: la meilleure amie, la fille du Hollandais, la veuve de celui-ci, Madame
Anne, le chef-médecin, le beau-frère de la disparue, le poète local, la
vieille marraine de la disparue, tous ont pressenti ce qui s’est passé autour
de la Casse automobile, mais personne n’en a une vision totale. Que faire de
toutes ces versions, biaisées, incomplètes, que le Chinois recueille ? Toutes
ces voix dessinent l’inquiétant motif d’une mosaïque et il se casse la tête à
reconstituer le puzzle polyphonique. Dans ce roman, Jérôme Meizoz évoque un
personnage qui a développé un amour passionné pour une jeune femme qui n’en a
jamais eu aucune idée. Cet amour, purement imaginaire, a nourri Le Chinois
pendant de nombreuses années. Ceci ne l’a pas empêché d’en retirer une force
bien réelle. C’est muni de ce trésor intérieur, qu’il cherche, à la manière
oulipienne, à construire un faux polar à la gloire de l’imaginaire : d’une
écriture de l’intime, il nous fait glisser dans le roman policier. Ce roman
est une célébration de l’imagination amoureuse, de la maladie d’amour qui
active les mêmes ressorts que la fiction Le pouvoir de l’imagination : «
Pendant toutes ces années, à bas bruit, ma vie non vécue auprès de Rosalba
continuait en imagination. Elle et moi, nous aurions joué aux cartes sous
l’auvent de la Gare. Rares étaient les voyages, alors nous assistions au
passage du Trans-Europ-Express de quinze heures quinze, suivant des yeux le
fuselage de métal rouge. C’était le train même qui avait emporté ma mère,
littéralement et dans tous les sens, mais je préférais que Rosalba n’en sache
rien. » En exergue du livre, cette phrase (de l’auteur) : « Si c’est un rêve,
ne me réveillez pas. » Tout en gardant une main ferme sur le récit, le
narrateur donne au roman une forme en pièces détachées, ceux qui ont connu
l’aimée désormais disparue auront la voix. Par exemple le bistrotier,
informateur idéal Le tenancier voulait que je lui explique la Chine et le
socialisme. Il avait du mal, disait-il, à faire le lien entre l’empire très
ancien et le drapeau rouge. –Raconte voir, le Chinois, aère un peu ta tête,
sinon tous ces bouquins vont te pourrir le crâne ! Le socialisme était une
invention diabolique, on le lui avait répété depuis toujours. Il voulait en
savoir plus. En échange, il contribuerait à mes recherches sur la Casse, les
nouvelles acquisitions du clan, les rumeurs du moment. C’était l’informateur
idéal, puisque tout se racontait devant un verre. Son corps filtrait tant de
paroles, d’humeurs, d’allusions, timides ou exagérées, incomplètes et
mystérieuses. La fragmentation et le désordre ne lui faisaient pas peur, car
il savait, lui, se débrouiller avec les puzzles. Il jouissait du pouvoir
d’ordonner les histoires puis de les diffuser en tous sens, comme les ondes
radio selon les fréquences. Ou l’entrepreneur retraité, 74 ans : « Je pourrais
parler de mafia mais ce serait trop simple. Ils n’ont rien à voir avec la
mafia des films américains, même si leur organisation y ressemble par certains
côtés… Il faut toujours privilégier, enrichir la famille et ses alliances, la
protéger de l’État lointain et abstrait, des lois et décrets venus de la
capitale. Ils vivent entre eux et se moquent des normes, ils ont recréé leur
petit monde où ne pénètre pas le monde bureaucratique avec ses règles
impersonnelles. La loi, c’est pour les autres ou alors pour ruser avec elle.
Ils ont la haine sourde des fonctionnaires, préposés aux impôts, gendarmes,
juges, enseignants. En façade, ils vivent comme vous et moi, ils ne tiennent
pas à se faire remarquer. Ils sont observateurs, informés, usent des
technologies les plus raffinées. Rien, chez eux, des clichés sur les ruraux
attardés… » De l’écriture intime on glisse vers le roman policier sous forme
de jeu littéraire qui peut faire penser à l’oulipo : « Si j’étais un bon
romancier, je suivrais la piste de l’adultère, me dis-je. Je pourrais accuser
le mari (quand le soir il prenait son bolide, qui lui demandait des comptes ?)
ou bien l’épouse (y avait-elle songé ?). Mais l’absence de Rosalba – bien que
tout le monde donnât là-dessus son avis – n’avait selon moi ni ce relief
moral, ni cette évidence romanesque. De telles facilités ne résoudraient rien,
face à des événements têtus dont la portée ne serait compréhensible qu’après
coup, et encore. En effet, grand était le risque de raconter l’histoire en
donnant aux actes des personnages l’évidence trompeuse qu’ont nos choix, une
fois accomplis. Non, il fallait trouver un autre ordre, une autre manière, et
maintenir grande ouverte la liberté de Rosalba jusqu’à la dernière ligne. » Le
villageois à Paris Étranger par le passeport, non par la langue, je me sentais
dedans et dehors à la fois. Difficile d’expliquer le trouble de cette
étrangeté qui suintait dans tant de menues situations. Le corps n’était pas
bougé, perçu, pensé de la même façon. L’humour avait ses bornes invisibles. Le
retour « Si Paris était un théâtre où tout se disait à voix haute, le village
imposait le règne du caché. » Né en Valais en 1967, Jérôme Meizoz a « le cul
entre deux chaises à jamais »: fils de mécanicien dans le fond de la vallée du
Rhône, il aime les sommets et le silence, le latin et le grec, la nature
sauvage et les livres. Il apprend les gestes des paysans comme des garagistes,
mais passe son temps dans les livres. Aujourd’hui, il est professeur de
littérature française contemporaine et s’intéresse en particulier au statut de
l’écrivain et à sa manière de se vendre en tant que tel, de Proust à
Houllebecq, son sujet d’étude favori depuis quelques années est Joël Dicker.
Sa méthode est influencée par la sociologie de Bourdieu auprès duquel il a
étudié. Il intervient régulièrement dans les colonnes du Matricule des Anges
et du Monde. Absolument modernes ! y était récemment cité à l’occasion du
décès de Bernard Tapie. Par ailleurs essayiste, il n’hésite pas à prendre la
plume dans les journaux pour vilipender l’attitude de la Suisse avec les
étrangers ou le trop de mollesse à l’égard de l’urgence climatique. Son œuvre
littéraire mêle la mémoire familiale intime et des scènes de la vie ordinaire.
Lauréat d’un Prix suisse de littérature 2018 pour Faire le garçon (Zoé, 2017),
Jérôme Meizoz a notamment publié : Morts ou vif (Zoé, « Livre de la Fondation
Schiller 2000 »), Séismes (Zoé, 2013), Temps mort, préfacé par Annie Ernaux
(2014) Haut Val des loups (Zoé, 2015).
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