Un confinement à Verneuil-sur-Avre

Le groupe local, suscité et animé par Marie Jejcic, avait désir de pratiquer la philosophie et la discussion sur des questions de société et de culture qui ne peuvent pas, (qui ne doivent pas) rester théoriques et réservées à une élite mais est l'affaire de tous. Par l'intermédiaire de ces conférences téléphoniques, c'est donc l'esprit de philia de ce « Salon des philosophes » qui se met en quelque sorte en oeuvre pour défier le virus, et surtout l'organisation sociale massivement imposée pour l'affronter. On pourrait résumer la stratégie en disant qu'elle vise à relever le défi en misant sur les vertus du triangle platonicien du Vrai, du Bien et du Beau. Après une longue introduction dans laquelle Marie Jejcic dresse le tableau de la crise et en apprécie les enjeux, non seulement sociologiques mais éthiques et philosophiques, en la regardant rétrospectivement, c'est la présentation des contributions, semaine après semaine, des habitants de Verneuil. Chacun, avec son caractère, sa personnalité, son histoire, expose, non pas sa vision de la crise sanitaire, mais ce à quoi elle le renvoie dans sa vie personnelle, et présente à l'appui un texte littéraire ou philosophique en le commentant et en explorant ses harmoniques. Chaque participant s'enrichit de l'expérience et de la sensibilité de l'autre et transcende ainsi la douloureuse expérience commune du « confinement » à travers les grandes oeuvres de l'esprit. Le volume devient un précieux florilège de textes, aussi divers que les individualités qui les ont choisis, et pouvant nourrir indéfiniment la réflexion. C'est ainsi que, jeudi après jeudi, défilent Victor Hugo, Apollinaire, Rimbaud, Cocteau, et autres étoiles du firmament poétique français, mais aussi Henri Poincaré, Kant, Yvan Illich, Tou Fou, Omar Khayyâm, Kafka, et combien d'autres…