Évelyne L.

Conseillé par (Libraire)
29 avril 2019

Coup de coeur d'Evelyne

Hôtel du grand cerf, c'est l'histoire de Reugny, petit village français coincé à frontière belge, et à la splendeur passée. Comme dans tous les villages, les secrets sont légion ! Comme dans tous les villages frontaliers, tout le monde a traficoté du temps où la frontière était encore active. L'ancien douanier, encore confit de haine pour tous ces trafiquants du dimanche qui l’humilièrent autrefois, c'est-à-dire pour tout le monde en fait, tient des petites fiches (sur des sous-bocks, ça ne s'invente pas !) répertoriant tous ces secrets. Qui mettra la main sur ces fiches deviendra le maître du village car il pourra faire chanter qui il veut ! Chacun au village connaît l'existence de ces fiches et chacun se tient à carreau en espérant échapper à la vindicte de l'inutile douanier qui rumine sa vengeance en buvant des bières. Mauvaise nouvelle : le douanier meurt à la page 2 et chacun se demande qui a mis la main sur ces fameuses fiches et dans quel but. Vous vous dites que ça va être un sacré bordel au village ! Et bien ça va être bien pire à l'arrivée de Vertigo Kulbertus, l'inspecteur au seuil de la retraite, qui voit dans cette affaire l'occasion de redorer son blason, mais aussi de boire des bières à l’œil...
Franz Bartelt est un écrivain prolixe mais discret, de ceux que vous ne voyez jamais à la télé mais qui hante les tables de libraires, caché sous un bandeau coup de cœur. Et il nous revient en très grande forme avec ce roman toujours aussi noir et aussi drôle. Ses incroyables personnages sont solidement campés et tout à fait crédibles. Les situations sont toujours à la frontière de l'invraisemblable mais justes ! Tout l'art de Bartelt est dans cet équilibre mouvant et aussi dans ses dialogues gouailleurs qui donnent toute sa saveur au texte. Son dernier roman est une perle : des situations à la Tarantino avec des dialogues à la Audiard. Un régal !

Conseillé par (Libraire)
29 avril 2019

Coup de coeur d'Evelyne

Trois vieillards se font la belle : ils décident d'enfin mener la vie dont ils rêvaient, débarrassés du poids de la société et de ses contraintes.
L'un se fait passer pour mort tandis que les deux autres se cachent des services sociaux. Tous les trois s'installent entre forêt et lac et vivent de pêche, de chasse et aussi de conserves qu'ils achètent grâce à l'argent du « jardinage » qu'ils effectuent pour un gars qui semble avoir des affaires florissantes quoique pas très légales.
Une tentative d'utopie cocasse et tendre qui nous amène à réfléchir. A la possibilité que nous avons tous de nous ménager un espace privé dans la société qui nous environne. A la possibilité de nous offrir une seconde chance, voire plus, quand on n'a pas su saisir la première.
Un roman, tendre et drôle, parfois dur aussi mais dont on sort optimiste !

Conseillé par (Libraire)
29 avril 2019

Coup de coeur d'Evelyne

Après le Morvan puis les vignobles champenois, après l'Albanie, Sandrine Collette continue son tour du monde du roman noir en partant pour la Patagonie. Nous voici en immersion au sein du ferme de gauchos dirigée par une mère tyrannique dont les seuls employés, ou plutôt esclaves, sont ses quatre fils.
Et nous allons suivre la décadence de cette famille, commencée depuis longtemps, car comment faire face aux superstructures agricoles gérant des milliers de têtes de bétail ? Les petits élevages sont amenés à disparaître, la viande ne rapporte plus assez, ils ont été repoussés dans les terres hostiles et peu généreuses en céréales. La mère décide de ne pas voir, de ne pas renoncer, quitte à laisser ses garçons se mener une guerre impitoyable pour la place de dominant, quitte à laisser son dernier Rafael subir les pires traitements tel le seul objet de distraction dans cette misérable pampa.
Seulement malgré tous les efforts de la mère pour maintenir le joug bien serré, il lui est impossible d'éviter les contacts avec le monde extérieur. Et ces échanges ne sont pas sans conséquence, la fratrie ne peut pas ne pas voir que « les autres » fonctionnent bien différemment, voire pire encore : découvrir que l'espoir existe, et Rafael, si peu armé pour affronter la violence, sera l'un de ses principaux porteurs.

Sandrine Collette nous a déjà démontré sa capacité à nous embarquer dans des intrigues à l'ambiance de plus en plus épaisse. Ne rêvez pas, vous n'y échapperez pas plus cette fois-ci. La richesse des personnages est saississante. Notre auteur nous a aussi habitués à être immergés dans des milieux hostiles, ce roman ne fait pas exception. Et pourtant Sandrine Collette a une capacité à se renouveler absolument étonnante. Il reste la poussière se rapproche encore plus du Nature Writing, en s'écartant du roman noir pour venir flirter avec le roman, tout simplement et avec grand talent. Et honnêtement, Sandrine Collette n'a vraiment pas à rougir devant quelques spécialistes de cette littérature : David Vann, Ron Rash ou encore Pete Fromm pour ne citer qu'eux.

Compostelle malgré moi

Folio

8,30
Conseillé par (Libraire)
29 avril 2019

Coup de coeur d'Evelyne

Immortelle randonnée est le récit d'un pèlerinage vers Compostelle.
Le récit de Compostelle est une catégorie à part du récit de marche : le mot « pèlerinage » induit une dimension spirituelle, voire religieuse à ce voyage. Ce ne sont plus seulement les paysages, le dépassement de soi ou l'introspection qui sont au cœur du récit.
Quand Jean-Christophe Rufin écrit Immortelle randonnée en 1993, le récit de marche est à la mode, et le récit de Compostelle galvaudé. Rufin est donc confronté à une double interrogation : comment « faire » Compostelle de façon personnelle quand le Chemin est une autoroute à touristes ? comment renouveler un genre aussi couru que le Chemin lui-même ?
Pour répondre à la première question, l'auteur décide de prendre le Chemin le plus compliqué, le moins fréquenté, celui du Nord, pour fuir ses congénères. Pour répondre à la seconde, il tente de faire la peau aux poncifs du récit de Compostelle. Avec humour et malice, il tord le cou au mythe de spiritualité en révélant par exemple que le Chemin est le plus grand lieu de drague des Européens de plus de quarante ans ! C'est la trivialité même des détails qui rend le récit véridique et surtout personnel. Exit la spiritualité !
Pourtant, la grande force du texte de Rufin, c'est de nous prendre à contre-pied en réintroduisant du spirituel là où il l'avait ôté quelques lignes plus tôt. Cependant, c'est une spiritualité à la Jacques le Fataliste : une philosophie moqueuse mais plus profonde qu'il n'y paraît. La très grande fréquentation du Chemin semblait lui avoir fait perdre tout sens, et pourtant le sens réapparaît en chemin. C'est alors que l'on comprend vraiment le sens du sous-titre : Compostelle malgré moi.
Ce texte, comme le Chemin de Compostelle, n'est pas ce qu'il semble être tout en l'étant tout de même : un tour de force.

Conseillé par (Libraire)
29 avril 2019

Coup de coeur d'Evelyne

Joseph est commis de ferme. Sans doute parmi les derniers dans ce monde rural qui a beaucoup évolué, s'est mécanisé, s'est dépeuplé... Joseph est un peu hors du temps, un peu anachronique. Joseph est resté sur la terre quand son frère partait pour la ville. Il est resté pour ne pas laisser la mère seule, parce que c'était moins compliqué aussi, parce que c'était ne pas choisir. Mais, sans le regretter vraiment parce qu'il aime les bêtes et qu'il sait y faire, il voit bien toutes les choses qui ne lui sont pas arrivées : le mariage, les enfants notamment...
Un texte simple en surface mais qui fourmille en profondeur pour dire la condition paysanne aujourd'hui.